Une belle journée d'automne à Fréjus et à La Napoule,
vendredi 11 octobre 2019.
« Vas-y pépère » et sable 'quartzeux'
Le monde des cactées Kuentz
Développé à partir d'un grand domaine datant de 1870 par le grand-père d'Henri Kuentz, l'actuel propriétaire, le lieu de notre visite est tout à la fois un véritable musée à ciel ouvert, un jardin botanique spécialisé, et une pépinière de production soumise au régime des exploitations agricole ; tout cela dans un quartier résidentiel de Fréjus ! La visite débute par le salut aux seniors, Echinocactus grusonii plus que centenaires et féconds, comme au Jardin Exotique de Monaco, un Espostoa lanosa, qui ne fleurit qu'à partir de sa 30ème année (attention à ne pas confondre ce dernier avec le Cephalocereus senilis, les deux présentant une abondante et longue pilosité blanche) ; ils sont cotoyés par le « cactus vigne » et ses raisins toxiques -ce n'est pas un cactus malgré les apparences, mais bien un membre de la famille des vitacées, avec ses vrilles, mais une vigne succulente donc[1]- et quelques Cylindropuntiæ, dont certains de très grande taille, sorte d' « opuntia à tronc » que l'on ne voit pas très fréquemment avec de telles dimensions. Euphorbes et Cereus (cactus cierges) complètent ces premières impressions avec diverses autres succulentes aux dimensions respectables.
Plus loin, dans une serre, notre attention a été captée par un cactus primitif, ressemblant à un arbre le Pereskia grandifolia ; ce genre a la particularité rare chez les cactacées de porter des feuilles apparentes.
C'est sans honte qu'il faut aller consulter le site de l'entreprise, www.kuentz.com , lequel tout en étant une véritable encyclopédie sur le sujet est aussi un très bel ouvrage illustré ! Malgré la très grande richesse de ce site, notamment au niveau des techniques de culture [voir : https://www.kuentz.com/culture.php], les commentaires des pépiniéristes et l'interactivité, le dialogue et les questions orales, sont irremplaçables pour les sujets spécifiques. Il en est allé ainsi pour l'aide à la croissance de ces succulentes : l'indispensable « vas-y-pépère » contribuant à produire les belles plantes. Mais si ! Mais si ! De temps en temps, un petit peu d'engrais « bleu », [Engrais bleu: N-P-K =12-12-17, totalement chimique, convenant cependant à des plantes comme les Cactées qui vivent sur un milieu quasiment minéral] ne fait AUCUN MAL. Néanmoins, l'engrais bio, actuellement à l'essai chez Kuentz, serait aussi efficace.
Engrais « Pro Bio Terre » (www.probioterre.fr) :
NPK 8 3 10 ; « entièrement d'origine animale ou végétale, utilisable en agriculture biologique » d'après l'étiquette.
Contient aussi de l'oxyde calcium et du soufre (12%) + « brevet RSH pour le développement racinaire ».
L'autre leçon de la visite de la pépinière fut celle concernant les semis. En plus de ce que nous faisons déjà, nous avons observé deux 'nouvelles' pratiques :
a) le mélange plus riche en sable et en perlite que le substrat normal (terreau+sable+pouzzolane) de culture, permettant un enracinement plus efficace, et
b) le 'truc' de professionnel, du sable quartzeux épandu sur le mélange de terreau à semis afin que que les plantes poussent bien droites, entre les grains de ce sable.
Ets. Kuentz
Domaine de la Magdeleine
327 rue du Général Brosset
83600 Fréjus – FRANCE
[1] Vitacée et succulente en même temps. Il en existe plusieurs genres, notamment Cissus, Cyphostema (plantes à caudex) ou Adenium, qui poussent dans les contrées chaudes (Madagascar, Yemen, Kenya, … ), Cissus rotundifolia, Cissus quadrangularis eg ou Adenium obesum.
Romantal et sentimentique voire sentimentesque :
le Château de La Napoule, à Mandelieu
Si la matinée fut riche d'enseignements culturaux, l'après-midi fut (un peu) plus culturelle ! Oublions les jardins, un « à l'italienne » à l'est et un autre « à la française » à l'ouest, à l'exception d'un grand pin et d'un autre résineux que nous ne sûmes pas nommer. Au château, nous comprimes vite que les piquants s'étaient transformés en flèches de Cupidon. Difficilement qualifiable, on hésite entre quelques épithètes (surréaliste-improbable-éberluant-insolite-...), le château bénéficie d'un site exceptionnel, à l'ouest de la baie de Cannes, protégé par l'extrémité est du massif de l'Estérel, et surplombant la mer. Pour la description architecturale 'rapide' imaginons un film accéléré : d'abord les Romains, il y a plus de deux millénaires, puis une forteresse médiévale détruite et reconstruite plusieurs fois au fil de l’histoire jusqu'à ce qu'en 1918 un couple d’artistes- mécènes américains acquièrent les ruines de la forteresse et décident d'en faire une créature romano-médiévalo-gothico-civilo-religioso-moderne, enfin, très personnelle en somme.
Mais Cupidon alors dans tout cela ? Et l'amour ?
Au début du XXème siècle, Henry Clews Junior demande sa main à Elsie (née Whelan) Goelet (1880–1959), qu'il appellera désormais Marie (!) ; ce sont deux jeunes divorcés, épris de beaux-arts et de création, enfants de l'aristocratie financière new-yorkaise. Marie est attirée par l'architecture et la décoration, Henry est sculpteur, formé dans l'atelier d'Auguste Rodin. Ils décident de quitter les États Unis d'Amérique pour s'installer à Paris en 1914, peu après leur mariage. Mais en 1914 éclate la guerre et la vie devient difficile à Paris, surtout avec un enfant en bas âge de santé fragile. Alors en 1915 la famille migre vers le sud de la France. Les Clews acquièrent le château en ruine et vont en faire la « curiosité » qui se visite aujourd'hui. Les pièces du château, et le « cloître », sont couverts de références à leur affection mutuelle (médaillons M & H entrelacés), et la devise du couple, « Mirth, Myth, Mystery » (allégresse, mythe, mystère), leur très condensé manifeste artistique, se rencontre plusieurs fois pendant la visite.
Si le travail de Marie Clews, architecture et aménagement des espaces intérieurs et extérieurs, certainement concertés avec Henry, laisse une impression d'originalité, les œuvres de ce dernier surprennent par leur singularité. Certaines réalisations semblent avoir servi d'inspiration aux stylistes et décorateurs des films de science-fiction (genre Jabba the Hutt, Dune, …) ou auteurs de bandes dessinées ou d'« heroic fantasy ». Ces pièces souvent taillées dans la pierre rouge locale, évoquant un croisement incertain quelque part entre les esthétiques égypto-précolombiennes et la statuaire médiévale, se trouvent dans les détails architecturaux et aussi dans l'atelier d'Henry, lequel n'aurait, dit-on, jamais vendu ses productions. À noter aussi la 'fixation' d'Henry sur Don Quijote de la Mancha, trop longue à développer ici.
Avant la deuxième guerre mondiale, le couple vécut agréablement au château, donnant fêtes costumées et réceptions mémorables, aidé en cela par une domesticité assez abondante, grâce sûrement au dollar fort, tout en respectant les villageois qu'ils aidaient. C'est l'époque de l'invention de la Côte d'Azur moderne, et de la génération perdue[2] : Francis Scott Fitzgerald et Zelda son épouse résident à Cannes et à Paris.
Henry Clews mourut en 1937 et Marie resta à La Napoule pour parachever leur œuvre.
Son carquois jamais à court de flèches, Cupidon revint encore s'y manifester avec la tour de forme carrée des mariés-amants, à l’extrémité de la propriété ; elle est dotée d'une pièce murée inaccessible à l'étage supérieur, lieu seulement prévu pour la rencontre des âmes des deux époux tous les 100 ans, situé au-dessus de leurs sarcophages.
Aucun compte-rendu ne remplace une bonne visite guidée que l'on peut quand-même préparer à partir du site < www.chateau-lanapoule.com . Une météo ensoleillée, hors saison, rend cette intéressante visite agréable, mais attention, le salon de thé ferme au début de septembre ;-)
Philippe UZIEL
PS.
1) Un grand merci aux aimables philologues auxquelles nous devons les divertissants éléments lexicaux ajoutant un peu de piquant à ce texte épineux.
2) Les lectrices ou lecteurs versés dans la série Harlequin [ou bien Point de Vue – Images du Monde] et de surcroît anglophones, liront sûrement avec délectation la chronique mondaine du New York Times daté du 20 décembre 1914 : maintenant un fichier '.pdf' auquel on accède via l'article de Wikipedia sur Henry Clewes Jr. Merci Cupidon, et pardonne-moi d'avoir oublié la fleur, ton troisième attribut !
[2] La Génération Perdue (tiré de Wikipedia): L'expression a été forgée par Gertrude Stein pour décrire un groupe d'auteurs américains expatriés à Paris durant l'entre-deux-guerres. Ernest Hemingway, le plus emblématique, John Steinbeck, John Dos Passos, F. Scott Fitzgerald, Ezra Pound, Sherwood Anderson, Waldo Peirce, Sylvia Beach, T. S. Eliot et Gertrude Stein elle-même.
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